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Éditorial Juin 2001 |
  

Laurent Girard
Juin 2001
En 1941, le régime de Vichy sépara la ville de Nantes et son département du reste de la Bretagne. Priver la Bretagne de sa principale métropole économique relève d'une peur maladive des dirigeants français de voir un jour la Bretagne prétendre à l'indépendance.
La région Pays-de-Loire, (construction technocratique rassemblant la Vendée, le Pays nantais, le Maine et l'Anjou, et dont Nantes devint la "capitale"), simple région administrative censée participer au rééquilibrage du territoire français, en vint au cours des trente dernières années, à revendiquer une identité et une légitimité culturelle et historique. Une propagande chauviniste et coûteuse, visant à créer un "sentiment d'appartenance régionale", ne fit en fait que chercher à faire admettre aux Nantais qu'ils n'étaient pas bretons et à entretenir une concurence artificielle avec la ville de Rennes, sa voisine.
Mais Nantes est une ville particulière et complexe, un carrefour des provinces de l'Ouest-Atlantique. C'est une réalité présente dans ses murs, mais aussi dans l'histoire et la personnalité de chaque individu.
Revendiquer Nantes en Bretagne n'est pas une affirmation nationaliste ou chauvine.
C'est tout d'abord rendre justice à une population à qui on s'efforce de faire douter d'elle même depuis plus de trente ans.
C'est ensuite refuser que les identités régionales soient traitées comme de vulgaires produits de grande consommation par les agences de communication, ou des ensembles strictement superposables aux définitions administratives. Au contraire, c'est les vouloir reconnues commme des expressions populaires indépendantes du rationnalisme administratif ou économique.
Enfin c'est le début d'une réflexion sur l'aménagement du territoire qui ne serait plus basé sur la centralité (une région et sa capitale, concurente avec ses voisines), mais sur l'interactivité, l'interrégionalité, où les régions proches s'investiraient dans des projets structurels fédérateurs.
De part sa position géographique, humaine, et historique, en étant réconciliée avec sa composante bretonne, Nantes peut devenir la clef de voûte d'un vaste réseau de territoires, de villes complémentaires et solidaires qui pourrait donner à l'Ouest français de véritables chances de développement dans le contexte européen et mondial.
Il est aussi temps de cesser d'opposer les différences culturelles et le droit, et de faire du droit le fédérateur de ces différences. Il semblerait que dans ce débat indispensable à la République, Nantes soit devenue une ville symbole pour de nombreux groupes d'opinion.
C'est une véritable "révolution culturelle", espérons que les classes politique et médiatique se montrent à la hauteur du débat.
 
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