Éditorial
Septembre 2001


J’ai connu Youcef il y a bientôt quinze ans. C’était à Montpellier. Nous nous étions croisés à la gare, il repartait vers Marseille, puis Alger, moi je restais là quelques jours. Nous nous étions simplement échangé nos adresses.
Quelques mois plus tard, nous entamions une correspondance qui dura dix ans, partageant, moi, mes doutes de jeune étudiant puis de jeune salarié, lui ses incertitudes de travailleur, puis de journaliste, en Algérie, chacun restant à l’écoute, trouvant dans les mots de l’autre une force que seule l’amitié peut apporter. Puis ce fut un long silence.
L’Algérie s’enfonçait peu à peu, je n’osais plus écrire de peur de faire prendre des risques à mon ami, sans vraiment connaître la situation outre-Méditerranée. Il y a quelques mois, j’écrivis via internet, à quelques rédactions algériennes, en leur disant que je souhaitais reprendre contact avec un ami de longue date. Youcef me répondit quelques semaines plus tard et nous nous remîmes à correspondre, par d’autres moyens cette fois-ci. Ces cinq années de silence ne sont cependant toujours pas comblées…
L’Algérie est un pays qui nous est proche, géographiquement, mais aussi par l’histoire. Pays méditerranéen, ayant fait partie de l’Empire romain, envahi à son tour par les tribus germaniques, l’Europe lui est lié par la civilisation hispano-arabe, puis pour le meilleur, sans doute pour le pire, il est entré dans l’histoire de France au siècle dernier, avant d’en sortir dans la violence il y a quarante ans. Le sort de l’Algérie ne peut donc nous laisser indifférent.Il ne le peut encore moins en regardant de près l’actualité des dernières semaines. Alors que tout tente à accréditer la thèse selon laquelle les États-Unis payent aujourd’hui le prix d’alliances dictées par le seul cynisme économique, au sein d’un système maintenant la majorité de l’humanité dans la misère matérielle et morale, n’est-il pas enfin le moment de s’interroger si notre propre pays, la France, ne participe pas lui aussi à l’entretien de ces guettos culturels et politiques que l’on nomme sectes, terrorisme…
L’article de Youcef ne manquera pas, je l’espère, d’apporter matière à votre réflexion.

Laurent GIRARD
septembre 2001