Bogdan
Stefan

Février 1995

ne chronologie des évènements que j’ai selectionnés en raison de leur influence considérable sur l’évolution ultérieure du cinéma roumain : voilà le contenu de cet article, et je dois ajouter tout de suite que vu le nombre d’axes possibles qui pourraient être abordés et constituer autant d’histoires du cinéma roumain, j’ai tenté de faire le meilleur choix.
Donc, le 17 mai 1896, 5 mois seulement après la « première » du Grand Café à Paris, la Roumanie connaîtra à son tour la découverte magique du cinéma. Les premières projections ont eu lieu à Bucarest, dans la salle de rédaction du journal « L’Indépendance Roumaine » et comme dans bon nombre de pays le rôle de pionnier sera joué par des français : Louis Janin, Charles Delattre, les frères Bonheur. Le succès de ces projections, vite multipliées dans les plus importantes villes de province (Iasi, Braila, Galati, Craiova) est immédiat et sans démenti auprès du public roumain.
Un an après, en mai 1897, un jeune photographe, Paul Menu filme les premières actualités cinématographiques. Développées à Lyon, les dix-sept bandes d’actualité seront projetées dans le salon du même journal « L’Indépendance Roumaine », à partir du mois de juin. Les sujets – une foire traditionnelle à Bucarest, les fêtes de l’anniversaire de l’Indépendance, les courses de cheveaux à l’hippodrome Baneasa près de la capitale, et les exercices de la flotille roumaine sur le Danube – révèlent tout de suite les nombreuses possibilités du genre et provoquent le plus grand intérêt chez les spectateurs, d’après les témoignages des journaux de l’époque.
Même si le long métrage de fiction mettra un peu plus de temps (retard) pour entrer en scène, la première de « Amour Fatal » du metteur en scène Grigore Brezeanu (le 18 septembre 1911) marquera le début d’une période d’effervescence cinématographique en Roumanie. Le 21 octobre 1911, un groupe constitué d’acteurs principaux du Théatre National de Bucarest (Petre Liciu, Constantin Nottara, Aristide Demetriade, Ion Brezeanu) va demander l’aide de la direction du théâtre pour soutenir une activité cinématographique constante. De surcroît, ce rapport cinéma-théâtre sera de nouveau étudié à l’occasion d’un spectacle mis en scène par G. Brezeanu et A. Demetriade, dans lequel on utilisait des épisodes (séquences) filmés. Ces polémiques se prolongeront les mois suivants et permetteront une récapitulation des opinions, des théories, des regards sur la quintessence du nouvel Art.
Mais la plus significative réalisation des débuts du cinéma roumain sera une superproduction produite par une nouvelle société : « Le film d’art Leon M. Popescu ». « L’Indépendance de la Roumanie » (mise en scène : G. Brezeanu avec la collaboration d’A. Demetriade), interprété par une pléiade d’acteurs célèbres à l’époque, surtout pour leur activité théâtrale, et annoncé par la publicité comme : « film de grande expression artistique et patriotique qui reconstitue toute la guerre roumano-russe-roumano-turque de 1877-1878 » relevait le défi d’être une fresque complête de cette époque, une description fidèle de cette guerre qui a pratiquement ouvert les portes vers la constitution d’un état roumain moderne et, en même temps, mise en image de la littérature et du folklore roumains liés aux événements.
Pour le chroniqueur quelques observations s’imposent tout de suite :
• le début très précoce du genre documentaire, qui fera naître quelques bons réalisateurs (Paul Calinescu est l’un des prestigieux exemples),
• le film de fiction, dès son début, un peu tardif, est étroitement lié au théâtre puisque tous ceux qui s’intéressaient au cinéma venaient de ce milieux artistique, de grande tradition en Roumanie. Depuis, presque tous les acteurs roumains auront en même temps deux activités parallèles (tournage pendant la journée et spectacle au théatre le soir). Quant aux réalisateurs, beaucoup d’entre eux puiseront dans le théâtre une source particulièrement riche d’inspiration et viendront au cinéma après une confirmation sur la scène (deux exemples les plus représentatifs pour le cinéma roumain : Liviu Ciulei et Lucian Pintilie).
C’est avec une double impatience que j’attends la sortie (actuellement en chantier) du dernier film de Nae Caranfil . J’ai beaucoup aimé son premier « Dimanches de permission » (sorti en France il y deux mois) et je suis très curieux quant au deuxième, puisqu’il s’agit des péripéties des pionniers du cinéma roumain dans « L'Indépendance de la Roumanie » ! The rest is silence…

Bogdan Stefan



Bibliographie :

« Le Siècle du Cinéma »
Éditions scientifiques et Encyclopédiques
Bucarest 1989