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Bogdan
Stefan
Décembre 1995 |
  

e dois faire une petite rectification en ce qui concerne la dernière nouvelle que je vous apprenais dans le premier article de cette série (n° 1, février 95). Le tournage de « The Rest is silence », un projet de Nae Caranfil qui sinspirait des premiers pas de la cinématographie roumaine, sest vu, essentiellement pour des raisons financières décalé pour une date ultérieure. Cependant, je peux vous informer quentre temps, Nae Caranfil, que je considère comme lun des meilleurs réalisateurs de la nouvelle génération de cinéastes roumains, est en train de tourner une autre coproduction franco-roumaine « Asfalt Tango » (titre français : « Nid de poule »), situé cette fois-ci dans lactualité immédiate.
Quant à nous, quittons maintenant le présent pour replonger dans lhistoire. Javais interrompu la chronologie des événements importants, cinématographiquement parlant, à la date de la première de « L'Indépendance de la Roumanie » (le 1er septembre 1912). Jai choisi cette fois de diviser en deux parties (1912-1927 et 1927-1948) lintervalle de temps qui sest écoulé jusquà la nationalisation du cinéma, 2 novembre 1948, date que je considère comme charnière pour son destin.
En juin 1913 on peut noter donc la création dun premier laboratoire permanent et dun staff de spécialistes employés pour le compte de la société « Le Film dArt Leon Popescu », le même producteur qui avait débuté avec « LIndépendance de la Roumanie ». Des techniciens français (Franck Deniau et Alphonse Chagny opérateurs et Paule Cambon monteuse), une équipe dacteurs roumains et la collaboration pour les scénarios de jeunes écrivains qui vont devenir très célèbres dans la Roumanie de lentre-deux-guerres mondiales, jai cité ici Emil Gârleanu et Liviu Rebreanu, vont assurer à Leon Popescu un démarrage très prolifique avec plus de quinze films tournés (courts et moyens métrages). Malheureusement un conflit entre le producteur et ses employés mettra fin à leur collaboration et retardera la finition des films qui verront leur sorties échelonnées dans les trois années qui suivront. Malgré tout cela, le laboratoire qui assurait le traitement des pellicules fonctionnera jusquen 1916, dirigé par Gheorghe Ionescu et Nicolae Barbelian.
Le même Leon Popescu aura une initiative très importante : structurer un cinéma qui aurait pu le mettre en valeur en tant que formidable moyen déducation nationale.
Le 12 août 1913, il fait publier Le Mémoire sur un Programme Culturel Scientifique qui anticipera une initiative législative (la Loi Dissescu) qui stipulait lintroduction des films dans les écoles, et la création et la défense dun cinéma culturel. Ne comprenant pas cette proposition comme un investissement à long terme dans le cinéma mais comme une atteinte à leurs intérêts, les propriétaires des cinémas et les distributeurs ont réussi à bloquer ce que pouvait constituer une des plus formidables mesures pour le développement du cinéma roumain.
On enregistre tout de même dans les années qui suivent une effervescence dans la production. En 1914, à Cluj, dans une Transylvanie qui à lépoque faisait partie de lEmpire Austro-Hongrois, le directeur du théatre local, Janovics Jenó, sest constitué en principal animateur en posant les bases de trois maisons de production et en réalisant dans les quatre années qui sensuivent 65 long-métrages. Un des films produits par lui et réalisé par un certain Felix Vanhyl ; « Le Poulain » connait même une carrière internationale, étant distribué en 137 copies en Europe et Asie par la maison Pathé.
Il y aura dautres premières et dautres débuts dont on peut remarquer celui de Jean Mihail (en 1924, avec une adaptation daprès Caragiale (« Le Péché »), un cinéaste qui malgré la note dominante de mélodramatisme propre à lépoque a fait des efforts constants pour améliorer ses moyens dexpression cinématographique et qui a été lun des premiers à mêler la fiction avec des éléments de la vie quotidienne, enregistrés en dehors des studios. Un autre début est celui de Jean Georgescu que certains critiques roumains saccordent à apprécier comme « le metteur en scène roumain » dentre les deux guerres (1924 scénariste, réalisateur, acteur dans Millionnaire dun jour). On peut noter aussi le début pour des coproductions : en 1923 avec « La Petite Gitane dans lalcôve », coproduction roumano-allemande qui mettra surtout en valeur (comme ce sera le cas des coproductions qui suivront) le pittoresque des paysages et des ambiances rurales roumaines.
Le documentaire est lui aussi présent dans cette période et cest surtout grâce à la première guerre mondiale que lÉtat et larmée roumaine en découvriront limportance. Si au début de la guerre il y avait un correspondant de guerre de la part de la maison Pathé, en 1917, à Iasi on inaugure le premier service photo-cinématographique de larmée roumaine dirigé par un officier français dorigine roumaine ; Jean Olive. Il y aurait deux documentaires importants : « Autour des dernières batailles : Marasti, Oituz, Marasesti » et « Le Front roumain », respectivement en 1917 et 1918, des films dactualités montés utilisant des séquences filmées par des opérateurs roumains : Tudor Postmantir et Constantin Ivanovici.
Commençaient à faire leurs apparitions, timidement, les premières publications de spécialité en 1914 : « La vie cinématographique de Roumanie, Bulgarie, Grèce, Serbie, Turquie, Égypte » et en 1923 : la revue « Film » dont larticle programme « Notre but » se proposait de soccuper de lart cinématographique et de faire la liaison entre les gens de cinéma et le grand public. La revue changera son nom en « Cinéma » en 1924 et continuera de paraître jusquen 1948 tout en essayant de dépasser sa condition de publication soutenue par les maisons de distribution en sassurant la collaboration des cinéastes et des écrivains de valeur et en essayant de cultiver un esprit cinématographique auprès des spectateurs.
Lévènement avec lequel je vais conclure est la création en 1927 à Bucarest de la première école denseignement pour les acteurs de cinéma (École de mimodrame dans son intitulation de lépoque). Le fondateur, le metteur en scène Horia Igirosanu (« Iade », 1927 : « Iancu Jianu », 1928 ; « Les Haidouks », 1929, etc
) est lun des enthousiastes qui par leur activité intense (rédacteur en chef de la revue « Le Moment cinématographique », fondateur et animateur culturel de lAssociation des Amis du Film) ont essayé sans cesse de faire et de soutenir un cinéma qui, sans eux naurait jamais pu être appelé « lArt du XXe siècle ».
Bogdan STEFAN


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