 
|

  |


Propos
recueillis
par
Yannick
Champain
Décembre 1995 |
  

ette entreprise est née en 1990 dun désir de faire des affaires avec un pays dEurope de lEst. La Pologne fut choisie sans connaissance préalable du pays, sans projet bien défini, sans moyens financiers ; un peu à laventure.
Après une période de quinze jours en Pologne, les deux associés apprécient létendue des affaires possibles, particulièrement dans le domaine de lalimentaire, des vins et des spiritueux.
LUN [EST] LAUTRE : Quel fut le premier problème rencontré ?
A. Goldie : Il fut législatif, à savoir que ce genre de commerce dimportation était réservé aux Polonais. Le problème fut contourné rapidement par la création dune société à laquelle nous avons associé une Polonaise, qui nétait pas dans les affaires mais en qui nous avions toute confiance.
Lobtention de cette licence est dailleurs toute anecdotique. Revenant dItalie en avion, cette femme se trouvait assise à côté dun Polonais. Connaissant nos problèmes et apprenant quil était ministre du commerce, elle lui demanda tranquillement sil lui était possible dobtenir cette licence. Ce qui fut fait en deux jours au lieu de trois mois par voie normale.
L&L : La licence obtenue, que sest-il passé ?
A.G. : Pensant que la meilleure façon dapprendre était de passer au stade des réalisations, nous avons importé, par lintermédiaire dun ami producteur espagnol, un camion de vin de table, soit environ 15 000 bouteilles. Nous avons embauché une secrétaire polonaise parlant français. À partir de la liste de tous les importateurs de Pologne, elle a téléphoné tous azimuts. Le résultat fut très impressionnant, très favorable. Tout le monde était très intéressé par la marchandise. Nous donnions des rendez-vous à Varsovie. Certains venaient, dautre pas. Les problèmes ont commencé quand on a parlé financement. Certains payaient comptant, comme nous lexigions par prudence ; dautres demandaient des délais, ce que nous ne pouvions pas accepter. Sur la centaine de personnes contactée, la marchandise fut vendue à trois ou quatre.
Non sans problèmes. Un jour, un monsieur vient de Katowice avec un gros camion et nous achète trois palettes quil paie rubis sur longle. Il aurait bien voulu acheter le reste de notre camion, mais nayant pas largent, il se propose de nous envoyer un chèque. Prévenus, nous avons refusé. Il suggéra alors demmener avec lui, à Katowice, quelquun de chez nous à qui il donnerait largent. Nous avons accepté, en chargeant le frère de notre secrétaire de laccompagner. Arrivés à Katowice, il le laissa dans un hôtel, le temps de prendre une douche et daller chercher largent. Bien entendu, le bonhomme nétait pas revenu au bout de deux jours. Le frère nous téléphona affolé et nous avons vu tout de suite quil sagissait dune entourloupe. Il a fallu réagir. Nous nous sommes déplacés à Katowice. Ladresse du type était fausse, personne ne le connaissait. On a passé notre journée à le chercher en baragouinant. Nous avons finalement réussi à trouver sa femme, elle était très abandonnée, et était absolument ravie de jouer un tour pendable à son ex-mari. Elle nous a donné toutes les facilités pour le retrouver.
Nous sommes tombés sur un type fort sympathique, enchanté qui nous a offert à manger, le coucher, etc
« Demain, je vous paie ! », disait-il. Mais à 11 h, la banque était fermée ; à 2 h, son secrétaire était malade, le soir, la banque était de nouveau fermée. Alors il y avait dans sa cave 300 paires dAdidas toutes neuves. On lui a dit : « Soit tu nous paies, soit on emmène les Adidas ». Ce que lon a fait. On est resté en assez bon terme et il est venu rechercher ses Adidas et nous payer à Varsovie, mais trois semaines après. Nous sommes restés amis. Il jouait très bien au tennis, cétait un ancien joueur professionnel, mais pour les affaires, il était assez mauvais et pas très honnête.
Afin déviter que ce genre de mésaventure ne se renouvelle, M. Goldie et ses associés ont cherché à vendre directement aux détaillants, sans passer par les importateurs. Ils éliminèrent ainsi un échelon intermédiaire. Du personnel, payé à la commission et parlant polonais, fut embauché afin de démarcher les commerçants. Lébauche dun service commercial fut constitué. Il est à noter quà linverse des importateurs improvisés, ces commerçants ont une véritable tradition commerciale, ils sont rigoureux et honnêtes.
Les principaux alcools consommés en Pologne sont la vodka et quelques vins de fruits locaux. Cependant, les vins étrangers avaient déjà fait leur apparition. La société dÉtat AGROS mettait du vin dEspagne en bouteille. Un marché était en création.
Au bout dun an léquipe commerciale comptait 8 à 10 personnes, évoluant sur environ 500 points de vente. La concurrence était faible. Les sociétés détat manquant dinitiatives et étant peu rompues aux nouvelles méthodes commerciales de démarchage.
L&L : En êtes-vous restés à la distribution des alcools ?
A.G. : Notre licence ne couvrait que la distribution des vins de moins de 12° alcooliques. Nous nétions pas autorisés à importer des alcools plus forts comme les brandy, qui commençaient à être appréciés des Polonais. Ce type de licence était pratiquement impossible à obtenir pour un étranger. Nous nous sommes associés avec un monsieur assez bien placé, ex-général de larmée, qui a réussi à nous obtenir la licence au bout dun an. Il nous fallait ensuite une licence de distribution. À force dêtre vus, nous avions obtenu un certain capital de sympathie, y compris dans les administrations. La plupart des étrangers repartaient rapidement devant la difficulté de la tâche.
L&L : Comment avez-vous poursuivi votre développement?
A.G. : Nous navions pas le capital nécessaire pour développer davantage laffaire, acheter des camions, des entrepôts, pour vendre dans tout le pays. Nous avons cherché un distributeur étranger qui aurait été intéressé pour sinstaller en Pologne. Nous avons reçu plusieurs émissaires. Laffaire a été reprise par un grand groupe français en 1994.
L&L : Que retirez-vous de cette expérience, quen retenez-vous?
A.G. : Laventure valait le coup dêtre vécue, elle était exaltante. On arrivait dans un pays où tout était à faire au moment propice. Ceci dit, cétait très dur. Nous ne parlions pas la langue et devions toujours passer par des intermédiaires.
Propos recueillis par
Yannick CHAMPAIN


|
 |