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Olivier
Jakoboski
Septembre 1996 |
  

ladimir Federovski est un écrivain russe, éditorialiste, universitaire et docteur en histoire. Diplomate lors des bouleversements politiques de lEst, il a quitté le régime communiste pour contribuer à la création du Mouvement pour les réformes démocratiques. Il en fut dailleurs le porte-parole pendant la résistance au putsch de 1991.
Dune manière très vivante, Vladimir Federovski a voulu offrir à travers ce livre une connaissance de lhistoire de ce peuple depuis le Moyen Âge mais aussi des pistes facilitant la compréhension de ce chaos moscovite actuel. Pour cela, il nous plonge au coeur de lâme russe, dominée par le goût de lirrationnel, oscillant constamment entre Dieu et le Diable.
Il nous montre une Russie qui nen finit pas de chercher ses repères. Un gigantesque pays hésitant sans cesse « entre son désir dOccident et son destin oriental, entre sa volonté de maintenir à tout prix une grandeur quelle sait éphémère et une quête spirituelle jamais satisfaite ».
Ecartelé entre ces tendances antagonistes, le Russe est dans lobligation demprunter le plus insolite des chemins. Il semble dailleurs ne lavoir pas encore trouvé. Les recettes occidentales pour mettre en place démocratie et économie de marché ne sont pas adaptées. Il est pourtant temps de sortir de cette brume car une menace plane déjà au-dessus de la Russie : on dénombre dans ce pays une mafia composée de 2600 bandes organisées. Cette pègre contrôle lensemble de léconomie.
Ce livre aborde brièvement ces sujets mais il insiste surtout sur les liens intimes entre ce pays et loccultisme. Sappuyant sur des archives et des témoignages inédits, il nous permet de découvrir les coulisses du pouvoir, cest-à-dire des gouvernants russes, dIvan le Terrible à Eltsine, fortement influencés par lirrationnel.
Il nous décrit lhystérie mystique et sanguinaire dIvan le Terrible. Ce tyran absolutiste, cruel et assoiffé de sang, alla jusquà tuer son propre fils au cours dune de ses colères légendaires. Ses trente-sept ans de règne furent surnommés par Dostoïevski de « vaudeville diabolique ». Il y a aussi le mystère du tsar Alexandre Ier qui serait devenu ermite. Lassé par le pouvoir, il se serait retiré du monde pour retrouver la paix avec lui-même. Il évoque les écrivains Tolstoï et Gogol, partageant la même crainte du diable. Il nous présente Raspoutine, personnage charismatique, ami du tsar et auteur de nombreuses prophéties. Il nous révèle un Lénine férocement anticlérical, un Trotski attiré par les sciences ésotériques et un Staline, plus passionné par lhistoire que par la marxisme. Staline, derrière son matérialisme de façade constamment réaffirmé, utilisa lirrationnel pour parfaire son totalitarisme. Il avait son voyant et son hypnotiseur personnel et il est à lorigine de la création du « département du Diable », service spécial qui, par exemple, a répertorié des personnes possédant des facultés parapsypchologiques. Plus récemment, on apprend lexistence de la guérisseuse de Léonid Brejnev et la fascination des dirigeants soviétiques pour les OVNI et les extraterrestres. La chute du communisme na pas supprimé ses tendances à loccultisme puisque Eltsine serait entouré dastrologues.
Tout comme ses dirigeants, le Russe ordinaire, « lhomo post-soviéticus » cherche ses repères dans les légendes et les superstitions forgées, au fil des siècles, sur cette terre rude et immense. Le Russe est plongé dans une société minée par le chômage, les problèmes matériels, linsécurité, la mafia et les carrences dune orthodoxie qui a trop collaboré avec les communistes. Pendant cette période de transition, il a perdu ses anciennes idoles et ni idéal nouveau, ni spiritualité ne viennent remplir ce vide. Les plus habiles gagnent des dollars et les autres tentent tout simplement de survivre. Parfois, les esprits les plus faibles sont convaincus dêtre protégés par des êtres venus dailleurs ou vont jusquà commettre des crimes odieux au nom détranges pratiques sataniques. Dailleurs, une « église » vouée à ladoration de Satan est officiellement enregistrée à Moscou. Gogol écrivait : « Russie, Russie, où galopes-tu ? Nulle réponse... » Cette phrase reste dactualité.
Olivier JAKOBOWSKI
Vladimir Federovski :
Le Département du Diable,
la Russie occulte dIvan le Terrible
à nos jours.
Editions Plon, 125 F.


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