Laurent
Girard

Mars 1997

« Puissent-ils croire et rire de leurs passions.
Car ce qu’ils nomment «passion» n’est pas la force de l’âme, mais une friction entre l’âme et le monde extérieur. »
A. Tarkovski,
Stalker

n ne peut parler de cinéma russe sans évoquer un cinéaste incontournable : Andreï Tarkovski, l’un des auteurs les plus originaux du XXe siècle. Tarkovski est né dans un petit village des bords de la Volga en 1932. Il étudie la musique durant ses années de lycée, puis se consacre à la peinture. En 1952, il étudie l’arabe. En 1956, il part en Sibérie comme géologue. La même année, il entre à l’école de cinéma de Moscou. C’est en Italie, en Scandinavie et en France qu’il passa la dernière partie de sa vie, exilé et séparé de son fils resté en Russie. Il est mort à Paris en 1986.

Le cinéma de Tarkovski est profondément empreint de spiritualité et décontenance souvent le spectateur devant la longueur des plans-séquences et des œuvres mêmes.
Avis aux spectateurs pressés d’en finir, les films de Tarkovski ne sont pas de ceux que l’on consomme, que l’on analyse et que l’on décortique pour en extraire le « message ». Ce sont de longs poèmes dont on s’imprègne. La force d’évocation des images y fait son œuvre en stimulant la sensibilité qui prend le pas sur l’esprit d’analyse.
L’auteur, pour qui « l’art seul peut connaître et définir l’absolu » déclarait que « la figure cinématographique est appelée à exprimer la vie même, et non les notions et les conceptions de l’auteur sur la vie ». Ses œuvres, dont certaines sont considérées comme des films de science-fiction, se découvrent, mais surtout se redécouvrent à chaque projection.

Ce premier court métrage est réalisé à l’école de cinéma. Dans les années 60 à Moscou, un jeune garçon, Sacha étudie la musique sans conviction. Sa rencontre avec un ouvrier le porte plus à rêver devenir conducteur de rouleau compresseur que virtuose. Échappant à tous les genres cinématographiques, Tarkovski a su restituer la valeur des expériences individuelles au travers des différents âges de l’humanité.

En 1400, Andreï Roublev et deux autres moines vont à Moscou pour y décorer une cathédrale sous les ordres de Théophane Le Grec. Dans une Russie perturbée par les incursions tartares, le peintre, marqué par la violence et la bestialité des hommes va remettre les sources de son inspiration en question.
« Qu’il veuille voler avant que cela soit devenu réalisable ou qu’il cherche à fondre une cloche avant d’avoir appris à le faire ou peindre une icône d’une manière jamais vue, tous ces actes exigent que, pour le prix de sa création, l’homme se dissolve dans son œuvre, se donne tout entier… Autrement dit, mon thème c’est cela : un homme, soutenu par une idée, cherche passionnément la réponse à une question, va jusqu’au bout dans sa recherche pour comprendre la réalité. Il obtient cette compréhension grâce à ses épreuves, à son expérience individuelle. »
A. Tarkovski

Explosion nucléaire, manipulations scientifiques, chute d’une météorite…? Nul ne sait. Un jour, un coin de la planète est devenu différent, dangereux. Ainsi est née la Zone, immédiatement cernée de fils de barbelés et de miradors. À l’intérieur de la Zone il existerait un endroit, une chambre mystérieuse qui exaucerait les souhaits de celui qui en franchirait le seuil. Seuls les Stalkers, sorte de contrebandiers, osent s’aventurer dans la Zone où « le chemin le plus droit n’est jamais le plus court ». Avec l’un d’eux, deux hommes ; un écrivain et un savant entreprennent le voyage, véritable parcours initiatique.

« La foi, c’est la foi. Sans elle, l’homme est privé de toute racine spirituelle, il est comme aveugle. On a donné des contenus à la foi, à diverses époques. Mais dans cette période de destructuration de la foi, ce qui importe au Stalker, c’est d’allumer une étincelle, une conviction dans le cœur des hommes. » A. Tarkovski


Laurent GIRARD


Notes :

1. Disponible en casette vidéo : collection Les films de ma vie, FNAC.
2. À signaler la participation surprenante de l’actrice française Valérie Méresse, plus connue pour jouer des rôles de nunuches dans certains films de Claude Zidi.


Filmographie :

1960, Le rouleau compresseur
et le violon,
1962, L’enfance d’Ivan,
1966, Andreï Roublev,
1972, Solaris,
1974, Le Miroir,
1979, Stalker(1),
1983, Nostalghia,
1986, Le Sacrifice(2).


Bibliographie :

Andrej Tarkovskij :
Hoffmanniana,
traduction : André Markowicz,
Éditions Schirmer et Mosel, 1988,
59 pages.