Didier
Schein

Mars 1997

e poète franco-roumain Tristan Tzara (1896-1963) est étrangement méconnu et desservi par sa réputation sulfureuse de fondateur du Dadaïsme. Le centenaire de sa naissance a été très peu célébré, que ce soit en France ou en Roumanie. Dada est lui-même connu de façon très superficielle. Tout le monde se souvient que quelques énergumènes venant des quatre coins de l’Europe passèrent leur temps à provoquer les Zurichois, puis les Parisiens par des manifestations à l’humour douteux, pendant que d’autres mourraient dans les tranchées de la « Grande Guerre ». Maintenant on s’empresse d’employer les termes de « dada » et de « dadaïsme » dès qu’on est confronté à une situation quelque peu absurde. C’est une grave erreur de le sortir de son contexte historique ; celui de la première guerre mondiale. Ce recueil des premiers textes français de Tzara, datant de la glorieuse période du « Cabaret Voltaire » (1916-1919) jusqu’aux premières années parisiennes (1920-1922) montre que l’étiquette « absurde » qu’on lui colle volontiers masque un cri de révolte contre cette société qui produisit une telle boucherie, une volonté permanente de rénovation du langage et surtout un authentique message de liberté d’une valeur poétique étonnante. Dada ne fut jamais un mouvement littéraire ou artistique, mais bien plutôt le souffle d’une révolte permanente contre toutes les scléroses et tous les académismes : on comprend mieux alors pourquoi on évite toujours de mentionner Tzara parmi les poètes majeurs de notre siècle. Dada ferait-il toujours peur ?

Didier SCHEIN


Tristan Tzara :
Dada est tatou, tout est dada
GF-Flammarion n° 892.
Édition d’Henri Béhar ; 1996.