e poète franco-roumain Tristan Tzara (1896-1963) est étrangement méconnu et desservi par sa réputation sulfureuse de fondateur du Dadaïsme. Le centenaire de sa naissance a été très peu célébré, que ce soit en France ou en Roumanie. Dada est lui-même connu de façon très superficielle. Tout le monde se souvient que quelques énergumènes venant des quatre coins de lEurope passèrent leur temps à provoquer les Zurichois, puis les Parisiens par des manifestations à lhumour douteux, pendant que dautres mourraient dans les tranchées de la « Grande Guerre ». Maintenant on sempresse demployer les termes de « dada » et de « dadaïsme » dès quon est confronté à une situation quelque peu absurde. Cest une grave erreur de le sortir de son contexte historique ; celui de la première guerre mondiale. Ce recueil des premiers textes français de Tzara, datant de la glorieuse période du « Cabaret Voltaire » (1916-1919) jusquaux premières années parisiennes (1920-1922) montre que létiquette « absurde » quon lui colle volontiers masque un cri de révolte contre cette société qui produisit une telle boucherie, une volonté permanente de rénovation du langage et surtout un authentique message de liberté dune valeur poétique étonnante. Dada ne fut jamais un mouvement littéraire ou artistique, mais bien plutôt le souffle dune révolte permanente contre toutes les scléroses et tous les académismes : on comprend mieux alors pourquoi on évite toujours de mentionner Tzara parmi les poètes majeurs de notre siècle. Dada ferait-il toujours peur ?
Didier SCHEIN
Tristan Tzara : Dada est tatou, tout est dada
GF-Flammarion n° 892.
Édition dHenri Béhar ; 1996.