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Laurent
Girard
Mai 1999 |
  

Conférence de Mme Cécile BLONDEL professeur à lUniversité de St-Andrew, Écosse.
Cest dans le cadre de luniversité dété organisée par lAssemblée européenne des citoyens à Arzano, en Bretagne, dont le thème était « Identité et citoyenneté » qua eu lieu cette conférence.
À côté dautres conférences portant davantage sur lidentité culturelle, son rapport à lÉtat et les conflits inter-ethniques, cette intervention porte sur le rôle de la femme dans la société et son évolution.
entrée, Mme Blondel insiste sur le pluriel des identités féminines en Occident.
La situation dune majorité de femmes se résume par cette phrase de Lacan : « la femme nexiste pas ». Depuis le moyen-âge, même si la situation semble saméliorer, les femmes nont pas fait la politique, lhistoire, le droit, la médecine. Une femme qui émerge est marginale, exceptionnelle ; Élizabeth 1re, Rosa Luxembourg, Georges Sand, Colette, Jeanne dArc
La femme est traditionnellement du côté de la nature, elle ne construit pas. Elle est vue comme une créature passive aux humeurs changeantes, proie aux folies, imprévisible. Elle doit être contrôlée par lhomme.
Ce sont les théologiens du moyen-âge qui ont écrit lhistoire de la femme, des moines qui avaient fait vux de chasteté. Elle est la porte du Diable, et a poussé lhomme au péché originel. Son rôle est défini à partir de ce postulat.
Au cours du XXe siècle, la situation semble saméliorer. La femme trouve une place dans la société, cependant fragile. Le problême de lidentité féminine génère à son tour une crise didentité chez les hommes.

Au début du XIXe siècle, la femme est mineure. Ses droits son dictés par le Code Napoléon de 1804, encore en vigueur en 1980. Pour résummer, la femme nest rien sans lhomme. Elle est considérée comme incapable davoir des droits, de réfléchir. Elle a besoin dun père, dun mari, dun fils, dun frère pour exister. Elle ne peut choisir sa résidence ni jouir de sa fortune. Elle ne possède pas lenfant quelle porte dans son ventre.
Après la deuxième guerre mondiale, les choses changent, les démocraties sont victorieuses. Les femmes ont participé à la résistance. La Déclaration des droits de lhomme de 1948 établi légalité des sexes, qui était ignorée de celle de 1789.
La France leur reconnaît le droit de vote en 1946. La nouvelle constitution reconnaît légalité des sexes dans le privé. Mais les femmes sont toujours dépendantes (concept du « pater familias »), elles ne peuvent faire de chèques, le mari perçoit salaire et héritage.
Cest la sphère privée qui fait évoluer la sphère publique au début des années soixante. Les femmes parviennent à un plus haut niveau détudes, sont plus nombreuses à travailler et à réclamer leur salaire, elles se marient moins.
Leur sexualité devient un facteur important, par la maîtrise de la fécondité grâce à la pilule. Ce sont elles qui décident de lavenir de la nation en faisant ou non des enfants. Elles obtiennent des droits politiques par le contrôle de leurs ventres.
En 1965 elles ne sont plus sous lautorité de leur mari. En 1970, on adopte lautorité parentale conjointe. En 1975, le divorce par consentement mutuel est légal, on ne punit les femmes pour adultère. En 1985, cest légalité complète dans la gestion des biens.
Dans les années cinquante, les femmes qui représentent 50 % de lélectorat, jouissent timidement de leurs droits. Elles restent concervatrices. Dans les années soixante-dix, ayant acquis une éducation politique, elles votent plus, et sensiblement plus à gauche quà lextrême gauche, rarement à lextrème droite. Elles ralient les thèses pacifistes, écologistes, sociales et féministes (elles seront 86 % à être satisfaites dÉdith Cresson, premier ministre).
Dans lexercice du pouvoir la participation reste masculine (environ 6 % au parlement, 4,2 % des ministres). Elles occupent principalement les ministères de la culture, de la famille, de la condition féminine. La femme « reste à la cuisine »(1).
Mais cest dans le milieu du travail que se situe vraiment lessentiel du combat pour légalité (pour la simple raison quil a plus dinfluence sur la vie individuelle).
Dans les années quatre-vingts, les femmes sont victimes de limage de la « super woman ». Elles se battent toujours pour obtenir des salaires égaux. En 1995, le salaire dun ingénieur femme est encore de 48 % inférieur. Lenvironnement de travail reste masculin. Elles doivent travailler plus, doivent prouver leurs compétences. On leur demande plus de ponctualité et elles ne disposent pas daide ou de la solidarité de leur collègues masculins. Les hommes ont des femmes pour les aider, mais linverse nest pas courant. Les équipements ne leur sont pas adaptés et on ne tient pas compte de leur rythme biologique.
Le combat se déplace du rôle politique pour entrer dans lenvironnement économique.

Ce sont des hommes qui ont étudié et se sont penchés sur le corps de la femme, incroyable mystère. Lhomme doit se méfier de la femme qui lui prend sa substance vitale. Selon une étude arythmétique, le vagin est un pénis rentré.
La psychanalyse a aidé la libération, mais pas sur le plan identitaire. Pour Freud, la femme est une créature qui a besoin dun pénis. Cest une envie qui ne la quittera jamais. La femme est immature si elle nestpas vaginale.
Jung, quant à lui, justifie certain comportements naturels : lhomme est infidèle, la femme fidèle en raison de leurs structures psychologiques respectives. Lhomme a donc besoin de plusieurs femmes. Pour Lacan, la femme est indéfinissable. Les sexes ne communiquent jamais. On ne va donc jamais essayer de communiquer.
Selon une théorie médicale datant de 1997 et portant sur la génétique, les cerveaux des deux sexes nauraient pas la même structure chimique. Sils sont différents, les environnements sont aussi perçus de manières différentes. Les femmes auraient de mauvaises capacités spatiales, mais manieraient plus aisément le langage, à linverse des hommes. Cette découverte réfute le Darwinisme pour qui seuls les plus forts subsistent. Au contraire, ce sont les espèces qui possèdent un gène de collaboration/socialisation qui sen tirent le mieux. Capacité que possèdent plus facilement les femmes.
Léducation mixte, basée sur le langage, défavoriserait le sexe masculin tandis quelle assure à la femme une meilleure réussite sociale.
Les économistes voient dans ces découvertes un miracle. Ils entrevoient la possibilité de créer des objets spécialement adaptés aux femmes et louverture dun marché potentiel.

La femme est biologiquement destinée à porter un enfant. La grossesse et lacouchement sont présentés comme un moyen dépanouissement. On ignore les côtés négatifs de la grossesse ; angoisse de la mort et du néant. La femme doit faire lexpérience de quelque chose dincontrôlable, elle est un habitacle, la nature passe en elle. Elle ne contrôle pas sa vie, sa mort ni celle de son enfant. Les dépressions qui font suite à la naissance sont aussi dues à cette angoisse.
En France, laccouchement est sur-médicalisé. La femme doit suivre une procédure. Suivant lobsession française « libre, gratuit et obligatoire », elle ne possède toujours pas son corps, elle na pas la possibilité de choisir son mode dacouchement. Les pays nordiques insistent davantage sur la considération dune expérience affective et non dune opération.
La rôle de lhomme est lui aussi à définir dans ce processus biologique. Pour Mme Blondel, cest aux hommes de dire quelle place ils veulent occuper, « les hommes sont un sexe en deuil » (Baudelaire). La souffrance de lhomme, que lon retrouve dans le romantisme, est attribuée à la méritocratie, au devoir de mériter sa position sociale, davoir toujours quelque chose à prouver et de ne pouvoir le dire. Si les femmes sont malheureuses, les hommes aussi. Il ne sagirait plus là dune question didentité purement féminine, mais tout simplement humaine.
Transcription : Laurent GIRARD
Note :
1. À signaler cependant les innovations du gouvernement de M. Jospin (NDLR, sans à-priori politique).


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