Laurent
Girard

Mai 1999
complété et actualisé en 2003

Très bien référencé sur Google avec les mots Nantes & Bretagne, ce texte reste d'actualité puisqu'une manifestation est prévue à Nantes sur le sujet le 18 juin 2011.
L'auteur l'a relu le 14 juin, mais n'a malheureusement pas le temps de l'actualiser.
Conscient que certaines questions pourraient être approfondies ou mieux argumentées, il encourage les lecteurs à ce rendre à Nantes le 18 juin afin de rencontrer les différentes associations qui aujourd'hui portent la revendication, parmi lesquelles Bretagne réunie.
Face à ce qui peut être considéré comme une grosse arnaque politique et intellectuelle ; la région Pays-de-Loire et la promotion de son identitarisme niaiseux, le citoyen doit reprendre la parole.



« Comme il y avait urgence, il s’était enfermé dans son bureau avec ses crayons de couleurs pour tenter de regrouper les départements français de la meilleure manière possible ; et après plusieurs tentatives, il avait rendu sa copie. Plus tard, lorsque les régions seront institutionnalisées sur la base du même découpage, il me confiera qu’il avait du mal à réaliser ».

Georges Pierret, ancien secrétaire général de la Conférence des régions périphériques maritimes, dans son ouvrage Régions d’Europe (éditions Apogée, Rennes, 1997), à propos du travail de Jean Vergeot, commissaire général adjoint au Plan, ancien collaborateur de Jean Monnet




e 6 mars dernier avait lieu à Nantes une manifestation pour la réunification de la Loire-Atlantique à la Bretagne.
Le visiteur qui passe à Nantes ne manque pas de se poser la question. Nantes est-elle en Bretagne ? Parfois il s’en soucie peu, d’autres fois, il ne manque pas de donner son avis avec l’assurance du géographe du dimanche. La sentence tombe, irrévocable : « Nantes, c’est pas la Bretagne ». Pour la sixième agglomération de France, et l’un des premiers bassins industriels français, ne pouvoir être située avec plus de précision ou par défaut, relève du complexe.
Le sujet ne mériterait pas plus d’attention s’il ne révélait un certain nombre de blocages et d’absurdités dans le fonctionnement de la démocratie française, et d’une idée particulièrement restrictive de l’identité, jusqu’à la négation de toute personnalité.
À leur niveau, les revendications politiques et culturelles bretonnes s’inscrivent dans ce mouvement contradictoire local/global, central/périphérique que connaît notre début de siècle.

Après la chute de l’Empire romain, c’est dans une zone englobant les cités de Nantes et de Rennes que se rencontrèrent les populations franques venues d’outre-Rhin et les Bretons, venus de Bretagne (l’actuelle Grande-Bretagne). Durant plusieurs siècles, elle fut l’enjeu de nombreuses guerres entre les aristocraties des deux parties.
Nantes devient bretonne au IXe siècle suite aux conquêtes du roi Nominoë, ses successeurs pousseront quant à eux la frontière jusqu’aux portes d’Angers et engloberont le Cotentin.
Puis, elle est ravagée par les Vikings à plusieurs reprises. Un État indépendant qu’ils constituent contrôlera toute la basse Loire, durant plusieurs décennies. Ils en seront chassés définitivement par Alain Barbetorte en 937, qui affirme le rôle prédominant de l’ancienne cité des Namnètes dans le duché breton.
Depuis cette époque, les contours de la Bretagne ne changeront pratiquement pas, comprenant même le Pays de Retz (entre la Loire au nord, et le Bas-Poitou [l’actuelle Vendée] au Sud).

Le 30 juin 1941(1), par décret du régime de Vichy, la Loire-Inférieure(2) est séparée de la Bretagne dans le cadre d’une vaste réorganisation du territoire français et de son ravitaillement. Nantes intègre une région dont Angers (ville de moindre importance mais siège des institutions allemandes) est la préfecture.
Après la guerre, les intérêts contradictoires de Nantes et de Rennes pour le rôle de « capitale bretonne(3) » empêchent l’élaboration d’un schéma constituant une Bretagne à cinq départements. En 1960, le gouvernement Debré concrétise le découpage du régime de Vichy, Nantes devient préfecture des « Pays-de-Loire » au détriment d’Angers.
Au cours de la maturation des régions comme véritables structures politiques, et malgré protestations et contre-projets des Nantais, les gouvernements suivants, sans réelle connaissance de la réalité socio-culturelle locale, ne remettront nullement en question ces limites. S’il avait voulu diviser la Bretagne pour mieux y règner, l’État ne pouvait mieux procéder.

Assurément. La présence en son sein du château des Ducs, symbole de l’État Breton l’atteste. Elle l’est aussi par le rôle inestimable qu’elle a joué dans l’histoire de ce pays et par le fait que sa puissance économique put garantir son indépendance puis son autonomie.
La présence bretonne dans la basse Loire est aussi ancienne, la toponymie, même francisée, l’atteste : Pornic (Pornizh), Guérande (Gwenrann), Le Gâvre (Ar C’havr), Paimbœuf (Penbo), Le Pouliguen (Ar Poulgwenn)… Nantes n’est pas moins bretonne que Rennes. De plus, son rôle attracteur conduisit de nombreux bretonnants à s’y installer, entretenant une pratique, minoritaire certe, mais continue de la langue bretonne et lui valant d’innombrables citations dans les chants populaires (…et dans tous les grands ports du globe). Les nombreux liens familiaux et économiques, tissés sur la côte sud de la Bretagne à toutes les époques, assurent un flux régulier de personnes, d’étudiants, d’entrepreneurs, d’artistes…
Nantes est dépositaire d’une partie importante du patrimoine historique et des archives de Bretagne, et de nombreux Nantais jouèrent un rôle important dans la prise de conscience nationale toute au long de ce siècle, parmi lesquels, et non des moindres : Morvan Lebesque.
C’est aussi principalement au départ de Nantes que s’est faite l’industrialisation de la province. Elle véhicule donc une grande partie de la mémoire sociale, industrielle et urbaine d’une société bretonne que l’on voudrait résumer à sa ruralité et à ses archaïsmes ; le faire-valoir d’une France moderne et civilisée…
Enfin, le comportement électoral des Nantais se rapproche de celui des autres bretons, modéré et pro-européen, et diffère sensiblement de celui des départements voisins, davantage clérical, voire réactionnaire.
Cependant, l’identité de Nantes ne peut se résumer à son seul caractère breton. Au carrefour de l’Armorique, de l’Aquitaine et du val de Loire (puis ville d’immigration), lieu de métissages et d’échanges, elle est un exemple concret que les identités ne se juxtaposent pas, mais se superposent et se complètent, se partagent, et s’affirment à des degrés divers de conviction…
En tout état de cause, sa richesse culturelle et historique, ses potentialités économiques et la force de ses contradictions, ne peuvent la réduire au rôle de « capitale » d’une région aussi artificielle qu’impersonnelle : les « Pays-de-la-Loire ».

Rassemblant, le Pays Nantais, la Vendée, le Maine et l’Anjou, les Pays-de-la-Loire, région créee de toute pièce, se sont très vite confrontés à une carrence identitaire. Conscients des lacunes culturelles de leur région, ses dirigeants ont su utiliser les moyens modernes de communication pour justifier son existence, lui donner une légitimité antécédente à sa création et créer un « sentiment d'appartenance régionale ». Ainsi la région s’est dotée d’un blason ; logo à la mode « ancien régime », d’un drapeau ; patchwork des symboles héraldiques des provinces concernées (d’ailleurs brandit sans complexes par les groupes intégristes catholiques), d’une « capitale » ; Nantes, qui n’en est que le chef-lieu administratif, enfin d’un « palais » situé à deux kilomètres du centre-ville (preuve de la proximité des institutions d’avec le citoyen) et entré au panthéon des monuments historiques avec l'annuelle ouverture au public pour les fêtes du patrimoine.
Le nom de cette région est par ailleurs une usurpation. Seuls deux départements sur cinq sont caressés par le cours de la Loire, et ce fleuve fait davantage référence à la « vallée des Rois » allant de Angers à Orléans, caractérisée par ses châteaux… et ses vins.
Suivant un principe bien français qui veut que la réalité corresponde aux définitions que l’on en fait, c’est avec une méticulosité de collectionneur que l’on recrée tous les stéréotypes de la province, que l’on révise l’Histoire. Ce qui est trop différent, ce qui n’entre pas dans la boîte est systématiquement ignoré ou expulsé.
L’identité ligérienne se construit avant tout par la négation et le dénigrement de la dimension bretonne de Nantes (parfois même sur le passé contre-révolutionnaire de l’Ouest). Les jeunes générations sont les premières victimes d’une propagande qui ferait pâlir d’envie plus d’un stalinien. Il y a deux ans, le service communication de la région avait fait réaliser un clip vidéo, diffusé dans les lycées, où sur un rythme « rap », on vantait la joie de vivre dans les Pays-de-la-Loire ! Les éditions touristiques apportent elles aussi leur contribution, enfin, une presse proche des milieux conservateurs n’est pas en reste. Nous sortons des domaines culturel, historique ou géographique pour entrer dans celui de la communication, de la manipulation du langage et des images. La limite départementale entre la Loire-Atlantique et le reste de la Bretagne est peu à peu devenue une « frontière » (dans l’écrit mais aussi dans le langage courant), et au dessus de laquelle l’information (particulièrement culturelle) circule très mal. Les Bretons à Nantes deviennent des « immigrés » et les Nantais ne sont pas de « vrais Bretons ». De là dire qu’être breton se limite à une appartenance ethnique et monolithique il n’y a qu’un pas, qui malheureusement est déjà franchi(4). Enfin on ne manque pas de titiller la susceptibilité du lecteur en relançant le débat sur l’appartenance de Nantes à la Bretagne. Comme si le citoyen n’avait pas autre chose à faire que de se voir systématiquement remis en question !
Lors d’une réunion des maires de la région à Nantes, en mars 1999, le premier magistrat d’une commune de la Sarthe voulut savoir « ce qu’il en est des vues de la Bretagne quant à l’anexion de la Loire-Atlantique (sic) ». La loire-Atlantique serait donc une sorte d’Ulster, qui démangerait l’estomac français…
Soyons sérieux !
Les arguments développés pour nier la bretonité de Nantes font généralement appel à la logique à sens unique quand ils ne sont pas odieusement racistes, révisionnistes, réactionnaires ou antisociaux. Exemples.
– On n'aurait jamais parlé breton à Nantes. Il y a un siècle on ne parlait pas non plus français dans les villages de Bretagne et encore moins dans la plupart des pays francophones. Quelle légitimité y a-t-il à le parler aujourd'hui, sinon en plaçant la langue et la culture françaises en état de supériorité ?
– Les Francs auraient été à Nantes avant les Bretons. Ce thème de la première occupation est celui qui fut utilisé par les Serbes au Kosovo, avec les conséquences que l'on sait.
– Le magazine L’Express publiait l'an dernier un dossier sur la Bretagne en l'an mille. Une carte représentait la région sans le Pays nantais, qui pourtant en faisait partie. Le décrêt de 1941 aurait donc eu pleine valeur dès cette époque ! L’Histoire devient une science toute relative.
– Pour le maire de Saint-Nazaire, M. Batteux (MDC), reconstituer la Bretagne serait un retour à l'Ancien régime. Il est étonnant de voir un républicain cautionner ainsi les Pays-de-la-Loire, région qui ne trouve d'unité historique et humaine qu’à la fin du XVIIIe siècle, alors qu'elle était secouée dans son ensemble par les mouvements contre-révolutionnaires, Vendée et Chouanerie.
– Pour le président de la région, M. Fillon (RPR), la revendication cache une volonté de déstabilisation de l’unité nationale. Venant d'un ancien ministre qui contribua à la réduction des acquis sociaux, et donc de l'égalité entre citoyens français, l'argumentation prête à rire... etc.
Un récent sondage affirme que 68 % des habitants de Loire-Atlantique se considèrent bretons. Existe-t-il de meilleurs argument que l’expression populaire ?
On s’étonne aujourd’hui que Nantes puisse se revendiquer Bretonne. Elle l’est depuis le IXe siècle, il aura fallu 25 ans de propagande pour qu’on en vienne à penser le contraire. Exemple saisissant de la faiblesse et de la malléabilité des esprits, de la confusion entre aménagement du territoire et marketing !

La zone d’influence de la ville de Nantes s’étend sur la côte sud de la Bretagne jusqu’à Lorient, englobe les villes de Vannes, Redon, St-Nazaire, et au Sud ; La roche-sur-Yon (Vendée) et Cholet (Anjou - Maine-et-Loire). La région Pays-de-Loire, quand à elle, est orientée suivant un axe perpendiculaire, Paris/La-Roche sur-Yon. Ville de tradition maritime, elle se trouve donc « continentalisée ». La question qui s’impose est de savoir s’il ne vaudrait pas mieux profiter d’un réseau économique déjà existant, plutôt que d’en construire un autre par la contrainte ? Ne s’agirait-il pas ici d’un inutile gaspillage ?
Dans l’Ouest français, aucune ville n’a de dimension réellement européenne. La plus grande, Nantes(5), même associée à St-Nazaire, aurait beaucoup de peine à se hisser à un tel niveau d’influence. Il est donc nécessaire pour les principales villes de la région ; Brest, Lorient, St-Nazaire, Angers, Rennes et Nantes de s’associer en réseau et d’allier leur potentialités et leurs compétences. La partition administrative actuelle est un obstacle à la réalisation d’équipements lourds et coûteux, tant dans le domaine de la recherche que dans celui des transports. Le manque de concertation ne permet pas de réflexion globale qui soit profitable à tout l’Ouest, et contraint les deux régions à adopter des projets qui les satellisent davantage par rapport à l’agglomération parisienne. Ce qui à moyen terme en fera des banlieues estivales où le salariat moyen viendrait se libérer sans complexe de ses onze mois de stress et de frustrations.
De plus, l’éloignement de l’axe vital de l’Europe est un facteur qui appelle à la constitution d’un espace économique et administratif cohérent. La Bretagne historique par sa cohérence, sa dimension, par sa légitimité d’ancien état européen, semble être dans ses frontières restituées l’ensemble adapté.
L’image d’une région, son identification à l’extérieur, est aussi un élément important pour son développement et pour la diffusion des produits qu’elle fabrique. Une image brouillée, diffuse, contradictoire ou négative ne peut qu’être nuisible et pénalisante. Cela se traduit en terme d’emploi, sachant que ce sont les petites et moyennes entreprises qui génèrent le plus d’embauches. Cela est particulièrement vrai dans le domaine touristique. Les campagnes de promotion, tant en France qu’en Europe profitent davantage au val de Loire (région Centre) qu’aux inoportuns « Pays-de-Loire ».
Il y a certainement plus de différences entre la Bretagne d'aujourd'hui et celle du début du siècle, qu'il n'y en a entre Nantes et le reste de la Bretagne. Encore une fois, la question n’est pas de savoir si Nantes correspond point par point aux stéréotypes admis (ou imposés) qui font l’« identité bretonne », mais pourrait-elle être un constituant d’un espace de vie et de développement économique et social qui s’inscrit dans la réalité du XXIe siècle ? Les ensembles social, culturel, économique et politique doivent-ils être superposables par la contrainte administrative ? Les compétences d'un conseil régional sont-elles d'élaborer un stéréotype culturel, ou au contraire d'être à l'écoute de l'expression populaire, de ses différences, à tous les niveaux de l'échelle sociale et de mettre la culture à la portée de tous ?

À en juger par le sondage sus-cité, les Nantais seraient favorables à réintégrer la Bretagne. Cependant, la participation à la manifestation du 6 mars (environ 3 000 personnes) révèle que ce n’est pas une préoccupation majeure. Le référendum, demandé par le Comité pour l’Unification Administrative de la Bretagne (CUAB, organisateur de la manifestation) a été refusé par le gouvernement (le ministre de l’Intérieur qualifiant même les manisfestants de « pèlerins »). Le président du conseil général de Loire-Atlantique (qui a le réel pouvoir de déclencher la procédure) refuse, quant à lui, d’évoquer la question avec les élus.
Les arguments du refus sont qu’il existe des priorités économiques et que « cela coûterait cher ». Ensuite, redessiner la carte administrative remettrait en question les tracés de plusieurs régions (Poitou-Charentes, Centre - Val-de-Loire, Bretagne, Île-de-France). Les véritables raisons sont certainement que les politiciens français n’osent pas provoquer une véritable décentralisation et faire évoluer les institutions en les adaptant à la réalité européenne moderne, par peur de perdre un pouvoir sans partage.
Certains ténors politiques locaux préfèrent réfléchir à un « Grand-Ouest », ou à une « fédération armoricaine »(6). Les petits élus s’efforcent quant à eux de satisfaire leurs état-majors parisiens, dont ils dépendent financièrement. Les chambres de commerce locales continuent à entretenir la rivalité entre Nantes et Rennes, alors qu’elles devraient penser à la concurence internationale par l'élaboration de projets communs (preuve de leur sens de l’ambition…)
Il est bien évident que la restauration de la Bretagne dans sa délimitation territoriale légitime ne serait pas sans poser de nouveaux problèmes comme par exemple le choix d'une « capitale », un possible déséquilibrage entre les zones rurales et les deux grandes agglomérations que sont Nantes et Rennes… On ne peut nier non plus les liens tissés entre Nantes et les départements voisins, Vendée et Maine-et-Loire. Le rôle de Nantes ne serait-il pas alors d'être une « capitale suprarégionale » ou « interrégionale » ? En France, où les régions ne sont que les caricatures du modèle centraliste de l'État, une telle idée aurait de la peine à faire son chemin.
En attendant, dans les bureaux du service communication de la région Pays-de-Loire, le « renforcement de l’identité régionale » reste une priorité. On promotionne cette identité comme l’on vendrait un baril de lessive ou un portable dernier cri. On distribue au tout venant des produits dérivés portant le logo ; le chauvinisme officiel de la « région produit » s’insinue dans tous les replis de la vie culturelle et associative (contre attribution de subventions), brouillant ainsi l’image d’une ville et de sa région, compromettant ses espoirs de développement. Quelques « fonctionnaires de l’information » décident ce qu’à été, ce qu’est, ce que doit être la sensibilité, l’histoire et la culture de plusieurs millions d’individus, avec le mépris satisfait du faiseur d’opinions. L’ignorance et la vulgarité sont au pouvoir…

Le Pays-Nantais, comme le reste de la Bretagne est attaché à son histoire, non pas par « culte des racines », mais avec le soucis de préserver un certain modèle social fait de convivialité et de solidarité. Les Nantais ne se revendiqueraient probablement pas bretons si on ne s'acharnait à leur faire admettre le contraire. La population prouve spontanément son attachement à une culture qui n’a survécu que grâce à la volonté et à l’initiative de quelques personnes, sans subventions et sans aides politique(7).
Si les institutions et les élites ont réussi à faire de la culture bretonne un véritable tabou à Nantes, synonyme d'archaïsme, elle devient un élément important et moderne dans la communication de la ville de Rennes et son identification. Un peu partout en Bretagne cette culture est un facteur de cohésion sociale fort, tandis qu'elle se fait connaître un peu partout à travers le monde. En quelques années d'existence, les Pays-de-la-Loire n'auront réussi qu'à anéantir l'image de Nantes, déjà difficile à cerner, et à imposer à la population le doute sur sa propre personnalité. L'identité bretonne n'est certes qu'un constituant de l'identité nantaise, vécu ou non par chacun, de manière différente. Mais les Nantais ne vivraient pas moins bien si on les les laissait être eux mêmes sans vouloir à tout prix les étiqueter, leur imposer cette « culture », cette « identité ligérienne » de pacotille.

Laurent GIRARD



Notes :

1. Certains font remonter au XIXe siècle la partition, lors d'une réorganisation des régions écclésiastiques.
2. Ancien nom de la Loire-Atlantique jusque dans les années cinquante.
3. Le terme de « capitale » est assez récent (XIXe s.). En Bretagne, la coutume était que la cour circule entre les villes de Rennes, Vannes et Nantes. Après l’acte d’union, Rennes deviendra le siège du parlement puis « capitale » d’un État qui n’en étais plus un.
S’il fallait trouver une concurence à la ville de Nantes, elle se porterait plutôt vers Anvers, Le Hâvre, Bordeaux ou Bilbao.
4. D’un point de vue linguistique, on distingue deux grandes régions en Bretagne : Ouest bretonnant (correspondant au plus fort peuplement breton) et Est gallo-francophone. Cette distinction n’est plus trop valable aujourd’hui étant donné raréfaction de la pratique du breton et du gallo. La frontière linguistique se trouve plutôt dans la tête des Bretons, au moment où ceux-ci décident d’apprendre ou de transmettre la langue.
On peut comparer la Bretagne à l’Écosse où l’on distingue lowslands et highlands. Cependant, personne ne se risquera à faire admettre aux habitants de Glasgow ou d’Édinbourgh que leur ville n’est pas écossaise !
5. 268 000 habitants, 543 000 dans l’agglomération, environ 680 000 dans la conubation Nantes - St-Nazaire (Basse-Loire).
6. Le « Grand Ouest » dont on parle depuis de nombreuses décénies, ne viserait qu’à marginaliser la partie occidentale de la Bretagne ou encore à noyer le particularisme breton. De plus, cette notion est percue de manière différente qu'elle soit évoquée à Rennes ou à Nantes. D'un côté elle inclu la Basse-Normandie, de l’autre le Poitou-Charentes, chaque métropole voulant être le centre de l'ensemble. Ceci ne nous éloigne donc pas d'une conception centraliste de la région.
Le terme "Grand Ouest", colporté par la presse et les lobbies économiques locaux n'est pratiquement pas utilisé par les Bretons (qui auraient tort de ne pas profiter de la notoriété de leur région. Ce vocable ne fini donc que par identifier l'agglomération Nantes - St-Nazaire.
Nottons que Nantes et Rennes éloignées de 140 km, sont depuis juin 1999 reliée par le rail en 1 h 15 (plus de 2 h auparavant avec 1 ou 2 correspondances). Jusqu’alors, aucune villes européennes de cette importance et aussi proches n’étaient aussi mal désservies entre elles. Les régions Bretagne et Pays-de-Loire commencent enfin, mais lentement à mettre en place une politique interrégionale.
7. Rappelons qu’en France, 90 % du budjet alloué à la culture demeure en région parisienne. Les dernières réalisations dans ce domaine (comme par exemple la Très Grande Bibliothèque), se révèlent des gouffres financiers, et la lourdeur de leurs fonctionnements n’en font pas les références d’un prétendu esprit éclairé et universel.


Une région à la recherche d'une reconnaissance internationale

Roselyne Bachelot réserve le mot de Cambronne à Donald Rumsfeld
PARIS (AP) -- Le mot de Cambronne pour Donald Rumsfeld. Telle a été la réaction de Roselyne Bachelot, jeudi, après les propos du secrétaire américain à la Défense qualifiant le couple franco-allemand de «vieille Europe» parce que ces deux pays s'opposent à une action militaire contre l'Irak sans l'assentiment du Conseil de sécurité.
«Si vous saviez ce que j'ai envie de lui dire, à M. Rumsfeld... Vous savez, moi je suis des Pays de la Loire, et il y a dans les Pays de Loire une célébrité qui s'appelle Cambronne...», a, sybilline, sur Europe-1, la ministre la ministre de l'Ecologie et du Développement durable. AP

NDLR Cambronne est né le 26 décembre 1770 à Saint-Sébastien, près de Nantes, à une époque où les Pays de Loire n'existaient pas encore. Il a toujours nié avoir prononcé le mot qu'on lui prète.



La question nantaise touche un éventail large de la population et est loin de ne sensibiliser qu'une fraction minoritaire de "nostalgiques extrémistes".
Extrait d'un article du Télégramme de Brest concernant la table ronde du 29 janvier 03, à Nantes, sur le thème de l'écologie, en présence du Président Chirac et de Roselyne Bachelot.
(© F. Motta)


(...) Son président, le Vannetais, Yves Coppens, professeur au collège de France (paléonthologue, découvreur de Lucy) est venu en présenter le contenu, non sans rappeler que « le Far-West de l'Eurasie », à savoir la Bretagne, comprend aussi Nantes, ce qui a déclenché des applaudissements nourris. Il s'est dit convaincu que « l'irruption, dans la Constitution, de la protection de l'environnement rendrait celle-ci solennelle et par suite, efficace ». (...)

Made in Pays de la Loire !
C'est ainsi, en bafouant la constitution (qui stipule que la langue de la République est le français), que le site internet de la Région Pays de la Loire (http://www.paysdelaloire.fr/) annonce haut et fort la mise à l'eau du Queen Mary.
L'expression du chauvinisme ligérien est de bien mauvais goût.
Rappelons que si le Queen Mary fut construit à Saint-Nazaire (en pays breton, comme le dit M. Sardou dans sa chanson hommage au France, autre courreur des mers), c'est avant tout à ces hommes et femmes qui y travaillèrent qu'il faut rendre hommage.
Beaucoup d'entre-eux sont Nazairiens, d'autres viennent d'Allemagne, d'Italie, de Pologne, de Roumanie, d'Asie…
Le Queen Mary est un ouvrage international et non pas strictement "ligérien".
La presse a su faire part des conditions de travail et d'accueil réservées aux ouvriers étrangers, sous-payés, mal logés. Peut-on être fier d'avoir permis toutes ces dérives, toutes ces atteintes au droit du travail, toutes ces inégalités entre travailleurs de par leurs origines ?
La région Pays de la Loire se voudrait-elle donc être un nouveau modèle social ?

Loire-Atlantique et Bretagne, le dessous des cartes
Vous trouverez dans cette page quelques exemples de l'utilisation faite du graphisme et d'autres moyens de communication, qui consiste, volontairement ou non, à accréditer l'exclusion de la Loire-Atlantique de la Bretagne par l'imposition d'images emblématiques.


Pour en savoir plus.

Historique du découpage régional :
http://www.nouvelouest.com/no/mag/mag/075/bzh3.htm


http://www.nantes.maville.com/l

http://dossiers.ouestfrance.fr/

http://www.letelegramme.com/

http://bretagne.unie.free.fr/

http://www.paysdelaloire.fr/indexflash.htm

Le site du Comité pour l'Unité Administrative de la Bretagne
http://www.cuab.org/

Sur le patrimoine et la tradition musicale du Pays Nantais :
http://bas44.free.fr/pays.html